LA PAROISSE NOTRE-DAME DE LUSIGNAN DOIT SA CRÉATION À LA VOLONTÉ D’HUGUES IV, SEIGNEUR DU LIEU, DE FAIRE ÉDIFIER EN FACE DE SON CHÂTEAU, UNE ÉGLISE ET UN PRIEURÉ DIGNES DE SON AMBITION.

 

Cet établissement, relevant de l’abbaye de nouaillé, est dédié à la vierge marie, ainsi qu’à saint junien, et devient, vraisemblablement dès le début de sa construction, le cœur d’une nouvelle paroisse.

Concernant l’église, M-D. Duval, auteur d’un mémoire de maîtrise sur cet édifice, estime que la construction est entreprise dès 1024-1025, car Hugues IV ne tarde pas à faire venir des moines de Nouaillé pour se charger du service religieux.

Selon le même auteur, le chantier se poursuit après la mort d’Hugues IV, attestée en 1032, et s’achève a priori sous Hugues V.

 

 

Eglise 1a

1 - L'Eglise

clocher 1a

2 -Clocher

Eglise chapiteau Melusine 1a

3 -Chapiteau

Eglise portail bestiaire roman 1a

4 -Portail bestiaire

Eglise Piliers chapiteaux croisee transept 1a

5 -Piliers chapiteaux

L’étude archéologique du bâtiment actuel révèle effectivement des éléments du XIe siècle, notamment la chapelle nord (colonnes et chapiteaux semblables à ceux de l’église saint-Hilaire construite dans la même période) et les murs latéraux de la nef. Ceci confirme l’existence, dès cette époque, d’un édifice, peut-être différent de l’actuel, mais d’une forme achevée avec un emplacement identique à l’église actuelle. Dans l’acte de fondation de 1025, il est dit qu’elle est implantée sur un alleu (une terre libre), ceint de part et d’autre par deux voies publiques, l’une menant à Saint-Maixent, l’autre à la Font de Cé, c’est-à-dire respectivement, sur le plan actuel, la rue de Vauchiron et la rue Babinet. L’église et le prieuré forment ainsi un bloc avec la motte castrale, située à l’ouest.

 

Une autre charte, datée de 1110, évoque la reconstruction de l’église par « Hugo de Jerusalem ». Il s’agit d’Hugues VI dont on sait qu’il a participé à la croisade poitevine au début du XIIe siècle, peu de temps après la première qui a permis la conquête de Jérusalem et la création des Etats latins d’orient. Or, Hugues VI est bien revenu vivant de Terre sainte et il est mort après 1110.

L’église précédente s’était-elle partiellement ou totalement effondrée ou avait-elle subi un incendie ? Une observation précise des murs nord du transept, de chaque côté de la croisée, rend plausible la première hypothèse.

 

De nos jours, l’église présente encore de nombreuses caractéristiques de l’art roman poitevin, que ce soit à l’extérieur (clocher carré massif, modillons, etc) comme à l’intérieur, surtout au niveau de la croisée du transept et du chœur. L’élément le plus remarquable est le portail nord, appelé « bestiaire » de par la variété et l’originalité des animaux réels et imaginaires qui y sont représentés (Voir la photo). La présence de ce superbe décor peut s’expliquer de deux manières : le portail était orienté en direction du château et pouvait donc servir d’entrée au seigneur et à sa famille pour des offices religieux ; mais il devait aussi servir pour les moines qui vivaient dans le prieuré a priori établi au nord de l’église (Voir l’onglet sur les autres églises et bâtiments religieux).
Nous ne possédons pas d’informations sur le bâtiment pour le XIIIe siècle et la 1re moitié du XIVe siècle. Signe toutefois de l’importance du lieu : c’est dans l’église Notre Dame et Saint-Junien que Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, a appris en 1305 sa nomination comme Pape; le futur Clément V est ensuite revenu à Lusignan en 1308.

 

L’église a ensuite subi les méfaits de la Guerre de Cent ans. Devenu terre anglaise depuis la signature du Traité de Brétigny en 1360, Lusignan a été la dernière place forte du Poitou à être reprise en 1374 par l’armée française dirigée par Du Guesclin. Ce ne fut toutefois pas sans mal, le siège ayant duré vingt mois avec une forte résistance de l’armée anglaise et du gouverneur Cresswell.

L’église a subi à cette occasion des dégâts : le clocher a perdu au moins un étage et le portail sud a dû être détruit, celui actuellement visible étant de style gothique flamboyant avec des travaux menés par le duc Jean de Berry fin XIVe- début XVe siècle.

 

L’édifice a subi de nouveau les méfaits des conflits lors des Guerres de religion. Suite au passage de Calvin à Poitiers, la religion dite réformée s’est rapidement propagée en Poitou, dès le second quart du XVIe siècle. Les protestants, dirigés par l’amiral Coligny, se sont emparés de la ville et du château de Lusignan en 1569, transformant alors l’église en « temple ».

 

Lusignan a subi ensuite un terrible siège d’octobre 1574 à janvier 1575 (Voir le récit dans les articles consacrés au château et à la ville fortifiée). Plusieurs récits évoquent la présence de soldats protestants dans le clocher ce qui a inévitablement entraîné l’utilisation des canons contre l’édifice, y compris la veille de Noël 1574 !

 

La façade ouest, qui devait être richement sculptée et décorée, a alors été fortement endommagée, ainsi que les premières travées de l’église et une partie de la voûte. Le manque d’argent consécutif à ce siège explique que le portail ouest aujourd’hui visible soit beaucoup plus modeste.

 

A noter enfin que le sol de la nef comporte de nombreuses dalles funéraires de l’époque moderne issues des cimetières des différentes paroisses de Lusignan. Un gisant représentant un chevalier du XIIIe siècle est aussi visible. Il provient de la commanderie templière de Roche qui était établie sur le territoire de l’actuelle commune de Cloué. Un autre gisant, beaucoup mieux conservé, est présenté dans les salles médiévales du Musée Sainte-Croix à Poitiers.


Les vitraux ont été créés au XIXe siècle par les ateliers Eugène Denis de Nantes et Guéritault de Poitiers. Ils ont été offerts par des familles mélusines en mémoire d’un être cher.

 

L’église a été inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 1862.